Parti pris : Investir dans la culture pour dynamiser l’économie touristique et l'attractivité des territoires

Face aux enjeux de revitalisation territoriale, de développement économique et de rayonnement local, la culture s’impose comme un investissement stratégique. Portée par les collectivités, elle contribue à renforcer l’identité des territoires, à structurer une offre touristique différenciante et à générer des retombées économiques durables. Entretien avec notre experte culture et patrimoine, Catherine Murgante, et notre partenaire Colibri Tourisme, sur les articulations entre politiques culturelles et développement touristique.

 

En quoi les politiques culturelles locales peuvent-elles renforcer l’attractivité d’un territoire, tant pour ses habitants que pour les visiteurs extérieurs ?

Catherine Murgante : Les politiques culturelles locales sont d’autant plus pertinentes qu’elles s’ancrent dans la réalité du territoire et s’adressent à tous les publics. Elles valorisent la richesse et la diversité locales, renforcent une identité forte et singulière. Pour les habitants, elles nourrissent un sentiment d’appartenance et de fierté à travers une offre culturelle accessible et de proximité.

Colibri Tourisme : Les politiques culturelles locales sont également un levier puissant pour l’attractivité touristique. En proposant des expériences uniques, ancrées dans les spécificités locales, elles enrichissent l’offre du territoire et suscitent la curiosité des visiteurs. Au-delà des événements ou lieux culturels, c’est l’occasion de créer du lien, de favoriser les rencontres avec les habitants et d’ancrer des souvenirs durables. Ce sont ces dimensions sensibles et humaines qui donnent une véritable âme au territoire.

Comment la culture peut-elle contribuer à différencier un territoire dans une logique de marketing territorial ou d’image de marque ?

Catherine Murgante : La culture est un levier puissant de différenciation, elle permet de raconter une histoire spécifique, d’évoquer les traditions, de les transmettre. Elle enrichit l’image de marque d’un territoire, en dépassant les clichés pour construire un récit créatif et inspirant. Elle suscite une dynamique où une identité culturelle forte attire des visiteurs, des touristes, des talents, c’est essentiel, mais aussi des investisseurs qui cherchent à s’associer à des territoires attractifs. En effet, par exemple, l’installation de tiers-lieux culturels dans les centres-villes recrée du flux et soutient le commerce local.

Colibri Tourisme : Il est vrai que la culture est un atout pour la marque territoriale. À l’heure où de nombreuses destinations valorisent la nature ou le bien-être, c’est bien souvent la culture – patrimoine vivant, création contemporaine, savoir-faire locaux – qui apporte une véritable valeur ajoutée. Dans un contexte de standardisation de l’offre touristique, c’est la culture qui révèle ce « quelque chose en plus » que l’on vient découvrir. Encore faut-il dépasser les logiques en silos : la rencontre entre acteurs du tourisme et de la culture, autour de formats hybrides, est essentielle pour faire pleinement vivre cette richesse.

Quels liens ou partenariats pourraient être renforcés entre acteurs culturels et acteurs du tourisme pour favoriser une dynamique vertueuse ?

Catherine Murgante : C’est aux politiques publiques d’encourager le rapprochement entre culture et tourisme. Cette alliance favorise le renouvellement des publics, la création de contenus inédits et la valorisation d’une offre culturelle plus vivante. Elle peut se traduire par des circuits intégrant des lieux culturels moins connus, des offres combinant hébergement, restauration et événements, ou encore des formations croisées entre professionnels pour mieux répondre aux attentes des visiteurs. Cette dynamique passe également par une organisation au sein des collectivités afin de développer transversalité, intelligence collective et innovation. 

Colibri Tourisme : Nous partageons cette nécessité de renforcer les liens entre culture et tourisme, le tourisme a besoin de la culture, comme le voyage a besoin d’une destination. Sans culture, le tourisme se réduit à une simple consommation de lieux. La culture donne du sens, suscite l’émotion, crée du lien. C’est elle qui transforme une visite en expérience, une halte en souvenir marquant. Elle fait la différence entre un lieu que l’on traverse et un lieu auquel on s’attache.

Quels leviers ou modèles économiques alternatifs pourraient être mobilisés pour soutenir les politiques culturelles locales ?

Catherine Murgante : Dans un contexte de tension budgétaire, préserver une offre culturelle de qualité est un enjeu majeur. Il est essentiel de rappeler que la culture génère une véritable économie locale. Pour renforcer sa soutenabilité, plusieurs leviers se développent : mécénat d’entreprises attachées à l’image du territoire, mutualisation intercommunale des équipements et des compétences, mise en place d’un mode de gestion différent et efficient, développement d’une nouvelle gouvernance ou encore modèles hybrides associant billetterie, ressources propres et subventions. Par ailleurs, repenser les modèles existants, se fixer des objectifs transversaux, faire émerger de nouvelles offres ou encourager l’innovation sont autant de leviers pour rééquilibrer les modèles économiques.

Comment, au-delà de l’attractivité des territoires, les projets culturels peuvent-ils aussi répondre à des enjeux éducatifs ou d’inclusion, en particulier auprès des publics jeunes ou éloignés de l’offre culturelle ?

Catherine Murgante : Les projets culturels sont de puissants vecteurs d’émancipation sociale et éducative. Ils ouvrent des horizons, développent l’esprit critique, renforcent la cohésion sociale et permettent à chacun de s’exprimer dans sa sensibilité. Ils créent du lien, favorisent les rencontres et ancrent la culture dans le quotidien. Pour toucher les publics les plus éloignés, il est essentiel de déployer des actions ciblées : résidences artistiques en milieu scolaire, médiation culturelle dans les quartiers prioritaires, transports culturels en zones rurales, participation citoyenne, tarification sociale, accès facilité aux musées… L’objectif final est clair : garantir à chacun l’exercice plein et entier de ses droits culturels dans un modèle vertueux et durable.

 

En conclusion, nous remercions tout d’abord nos intervenants pour la clarté et l’expertise de leurs propos. Nous pouvons dire que pour faire de la culture un véritable pilier d’attractivité et de développement touristique, une collectivité doit s’appuyer sur son identité, impliquer les acteurs locaux et décloisonner ses politiques publiques. En croisant culture et tourisme, elle construit une offre enracinée, singulière et inclusive, capable de rayonner tout en garantissant les droits culturels pour tous dans un modèle économique propice à l’attractivité du territoire.